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  • Photo du rédacteurJean-Christophe Anna

Covid-19 : la répétition générale avant l'inéluctable effondrement global !

Dernière mise à jour : 20 avr. 2020


(Crédit Photo : visuel réalisé par Hugo Mairelle sur une idée de Jean-Christophe Anna)


Je suspends quelques instants l'écriture de mon livre en 2 tomes pour partager avec vous ici la partie consacrée à la crise sanitaire mondiale liée au "nouveau coronavirus" que j'ai ajoutée le 20 mars dernier au Tome 1 "Le climat n'est pas le bon combat".

Terminé, ce dernier et actuellement en relecture. Le Tome 2 "Écrivons un nouveau récit pour sauver la vie" devrait être terminée fin avril.


En 2 mois à peine j’ai semé la panique dans le monde entier contraignant de très nombreux pays à boucler leurs frontières ; à confiner leurs citoyen·ne·s à leurs domiciles en fermant écoles, bars, restaurants, commerces, stations de ski, parcs et plages ; à suspendre la totalité des compétitions sportives et à reporter d’un an l’Euro de football, à clouer les avions au sol ; à fermer les usines de l’industrie automobile ; à figer l’économie mondiale ; à faire chuter les bourses… qui suis-je ? Le coronavirus SARS-CoV 2 (Covid-19 est le nom de la maladie) !



LE MIRACLE NE POUVAIT PAS DURER ÉTERNELLEMENT !


Cela fait si longtemps (à notre toute petite échelle générationnelle) que nous n’avons pas été touché·e·s par des épidémies graves que nous avons tendance à oublier ce risque majeur… euh… ça c’était avant la pandémie du Covid-19 et le confinement généralisé en mars 2020 dans de très nombreux pays pour limiter la propagation.


Dans notre monde actuel, c’était, avouons-le, un petit miracle qu’aucune pandémie - épidémie d’envergure mondiale - n’ait profité des 40 années de notre délirante et dévastatrice mondialisation économique pour se propager à l’échelle internationale comme une trainée de poudre. Le cinéma s’est d’ailleurs à plusieurs reprises emparé de ce scénario anxiogène, notamment Terry Gilliam avec l’excellent "L’Armée des 12 singes" ou Steven Soderbergh avec l’inquiétant "Contagion". Certes, nous avons connu quelques alertes avec l’Encéphalopathie Spongiforme Bovine ("maladie de la vache folle"), la grippe A (H1N1), les grippes aviaires (H5N1 et H7N9), le SRAS (Syndrome Respiratoire Aigu Sévère, 774 morts dans le monde — dont 349 en Chine continentale et 299 à Hong Kong) ou encore Ébola (11 000 morts en Afrique de l’Ouest entre 2014 et 2015).


(Crédit Photo : L'Armée des 12 singes - Terry Guilliam - 1995)


Mais, fort heureusement, nous avons, pour l’instant, évité le pire… À peine avais-je tiré cette conclusion qu’un nouveau type de coronavirus - SARS-CoV 2 - apparaissait fin 2019 À Wuhan en Chine, sur un marché… tout comme son grand frère SARS-CoV (celui à l’origine du SRAS) à Hong-Kong en novembre 2002. Les marchés chinois aux animaux réunissent les conditions optimales – promiscuité et hygiène déplorable entre individus vivants et morts - pour que des virus pathogènes se transmettent d’une espèce animale non humaine (souvent la chauve-souris) à une autre avant d’infecter les humains.


Dès que l’alerte fut donnée par les autorités chinoises, les premières mesures fut prises : mise en quarantaine de la ville de Wuhan et annulation des festivités du Nouvel An chinois notamment en interne ; fermeture des frontières par les pays limitrophes (Mongolie et Russie) et arrêt des liaisons aériennes en provenance et à destination de la Chine.

Après avoir rapatrié nos ressortissant·e·s et les avoir placé·e·s en quarantaine dans un centre de vacances du sud de la France, notre président et son gouvernement ont adopté une gestion "évolutive" du coronavirus : le stade 1 pour "freiner l’introduction du virus sur le territoire", le stade 2 pour "freiner la propagation du virus sur le territoire" à partir des foyers locaux ou "clusters" et enfin, sans doute un peu tard, le stade 3 pour "atténuer les effets de la vague".



Dans un premier temps (janvier-février), nous avons observé de loin - tout est relatif sur une toute petite planète comme la nôtre - l’épidémie se répandre en Chine et toucher progressivement de plus en plus de pays. Dans un second temps, pensant faire le nécessaire pour circonscrire le virus, nous nous sommes "gentiment" moqué les mesures, jugées brutales, prises par nos voisins Italiens (confinement total) en leur donnant des leçons de gestion d’une crise sanitaire. Enfin, dans un troisième temps, nous avons dû nous résoudre à faire un peu moins les malins pour adopter exactement le même traitement radical une semaine plus tard… Le 11 mars 2020, forte de l’observation de l’évolution des différentes épidémies aux quatre coins du globe, l’Organisation Mondiale de la Santé a officiellement qualifié le coronavirus de pandémie suite au triplement des pays touchés en à peine deux semaines. L’OMS en a alors profité pour dénoncer les niveaux alarmants d’inaction des pays occidentaux. Dès le lendemain, à 3 jours du 1er tour des Municipales, Emmanuel Macron annonçait la fermeture des écoles et des universités. Deux jours plus tard, ce fut le tour du Premier ministre d’annoncer la fermeture des bars et des restaurants tout en maintenant, étrangement, le scrutin du 15 mars. Puis, le 16, le Président limita encore un peu plus notre liberté d’aller et venir, sans toutefois prononcer le terme tabou de confinement - pour au moins 15 jours. Les différent·e·s spécialistes semblaient d’accord pour reconnaitre que la crise était partie pour durer environ trois mois, jusqu’à la mi-juin.



1 PANDÉMIE, 5 ENSEIGNEMENTS


1. La propagation mondiale du Coronavirus semble avoir pris tout le monde de cours (gouvernements, populations, hôpitaux, multinationales, marchés financiers…) malgré les alertes récentes (Grippe A, grippes aviaires, SRAS, Ébola…).


(Crédit photo : Dessin de Chereau pour Urtikan.net)


Cela démontre à quel point nous ne sommes pas prêt·e·s, pas plus dans nos pays riches et "développés" du nord que dans les pays du sud, à affronter un pareil risque systémique : approches différentes d’un pays à l’autre sans aucun protocole précis directement opérationnel, ni aucune coordination, notamment au niveau européen. Ce manque total d’anticipation et de préparation est absolument déplorable, inquiétant, terrifiant !

Quant à notre propre nation si prompte à donner des leçons au reste du monde le constat est pour le moins inquiétant : cruel manque de réactivité (malgré les messages d’alertes d’Agnès Buzin alors Ministre de la Santé au Président le 11 janvier 2020 et au Premier ministre le 30 janvier 2020), hésitations et tâtonnements de l’exécutif (pour ne pas dire amateurisme) ; manque de transparence dans la communication (utilité des tests, des masques, annonces manquant de clarté et mesures manquant de fermeté…) ; personnel hospitalier nettement insuffisant tout comme le nombre de lits et de respirateurs artificiels sans même parler des masques, des tests et des solutions hydro-alcooliques ; cruel manque de moyens, de considération et de clairvoyance pour soutenir les équipes de recherche, notamment celles travaillant sur les coronavirus ; absence consternante de dispositif adapté au niveau des communes et de coordination anticipée entre les maires et les préfets ; absence regrettable de tout organe citoyen d’information au niveau national, régional ou municipal afin d’assurer la transparence de l’information dès le début de l’épidémie ; absence évidente d’anticipation de la population (confinement, stocks alimentaires et produits de première nécessité…) ; inconséquence lamentable vis-à-vis des sans-abris (ce mot aurait dû disparaître de notre dictionnaire depuis si longtemps) ; absence dommageable de plan pour assurer uniquement les activités vitales afin de garantir un confinement véritablement efficace ; impréparation des entreprises pour permettre à tous les métiers pouvant être exercés à domicile de l’être ; absence navrante de dispositif adapté pour assurer la continuité de l’enseignement scolaire et universitaire…



À peine avais-je rédigé les 5 enseignements que vous êtes en train de lire que je découvrais la lumineuse tribune de Corinne Lepage "La crise du coronavirus va être analysée comme l'une des plus grandes défaillances de l'État" sur le HuffPost. Je ne pouvais trouver meilleure illustration pour appuyer les différents points de mon analyse. La brillante avocate, ancienne ministre de l'Environnement et ancienne députée européenne, y dénonce l’imprévoyance caractérisée de l’exécutif français. Nous sommes totalement aligné·e·s. Et non, je ne suis pas le seul à dénoncer l’incompétence de l’exécutif macronien !


« Ce que nous avons vécu depuis le début de l’année en ce qui concerne la crise du coronavirus sera très probablement analysé comme une des plus grandes défaillances qui puissent être reprochée à notre État, non seulement sur le plan du fonctionnement démocratique pour les raisons que l’on indiquera ci-dessous, et sur le plan tout simplement de la protection des personnes physiques qui demeure le premier objectif d’un État. On rappellera que le droit à l’intégrité de la personne est le premier des droits de l’Homme.

Une politique de déni de la gravité de la situation qui a fait assimiler le Covid-19 à une “grippette” ce qu’il n’était évidemment pas et qui conduit à écarter les scénarios les plus pénalisants connus dès l’origine mais considérés comme improbables. C’est une violation majeure du principe de précaution qui, en présence d’un risque incertain mais dont les conséquences pouvaient être gravissimes, exige que les mesures de précaution soient prises, ce qui n’a pas été le cas. Cette politique de déni a non seulement eu des conséquences très graves sur les mesures prises mais également sur l’état d’esprit de notre population et notamment tous les moins de 70 ans qui ont considéré qu’ils ne risquaient rien, puisque c’était la doxa officielle. D’où “le retard à l’allumage” de la prise de conscience y compris après l’annonce de mesures de confinement, sans que le mot ne soit utilisé par le chef de l’État.

Une politique d’imprévoyance caractérisée puisque prévenue courant janvier, la direction générale de la santé n’a pas jugé utile de commander des millions de masques, de gants, de gels hydroalcooliques et bien sûr de tests. Cette politique gravement fautive a mis en danger des centaines de milliers de personnes voire davantage à commencer par les soignants qui ne disposent même pas des moyens de se protéger! C’est stupide et criminel alors même que les considérations budgétaires n’auraient même pas dû être prises en compte, non seulement parce qu’il s’agissait de la vie des gens mais encore parce que le rapport coût/avantage était évidemment en sens inverse.

Une politique de communication biaisée est mise en place, destinée à cacher cette erreur de départ d’une part et l’imprévoyance d’autre part. Dire depuis des semaines, et bien avant que nous arrivions en phase 3, que les tests étaient inutiles et devaient être réservés aux cas les plus graves. De même, nous voyons bien que les pays du monde qui ont mis en place des tests à très grande échelle ont des taux de létalité plus faibles (0,2% en Corée du Sud et en Allemagne).

Même si effectivement seuls les masques FFP2 protègent totalement, affirmer que les autres masques ne servaient à rien a été contre-productif et ne servait à répondre qu’à la pénurie actuelle. Les masques doivent aujourd’hui être destinés aux personnels les plus exposés faute de préparation, alors que les masques simples sont des facteurs de diminution du risque avant confinement et désormais pour les sorties autorisées, à commencer par les publics les plus vulnérables, les travailleurs les plus exposés... Du reste dans les pays voisins, ces masques semblent être considérés comme un minimum. 

Enfin, des décisions d’une parfaite incohérence puisque pour des raisons politiciennes et non de santé publique (car les raisons de santé publique ne pouvaient conduire qu’à une décision différente) les élections municipales ont été maintenues. Ainsi, nos concitoyens se sont-ils vus conspués pour avoir pris le soleil dimanche alors même qu’ils étaient vivement encouragés à aller voter le même jour. Comment pouvoir croire à un danger majeur lié à la rencontre des autres lorsque l’État lui-même vous invite à aller voter, sans du reste la plupart du temps protéger convenablement les membres des bureaux de vote ? Alors, aujourd’hui, l’État sanctionne le défaut de confinement, car le confinement intégral est devenu une nécessité absolue. Mais n’est-il pas responsable en premier chef des difficultés avec lesquelles nos concitoyens se plient à cette discipline ? Certes, l’appel au civisme est nécessaire et même indispensable. Mais il ne peut y avoir de civisme sans respect absolu par l’État des règles d’honnêteté, de transparence dans la prise de décision et de mise en place des moyens nécessaires à la sauvegarde des personnes. »


2. L’économie et la finance passent bien avant la santé et la vie.

C’est ici une nouvelle confirmation que le vrai pouvoir mondial est économico-financier et que le pouvoir politique est à son service.



Nos gouvernants, et notamment Emmanuel Macron, Édouard Philippe et Bruno Lemaire, auront tout fait pour limiter la casse au niveau économique avant de prendre tardivement la crise sanitaire réellement au sérieux, soit une nouvelle preuve accablante que l’économie et la finance l’emportent sur toute autre considération dans leur hiérarchie des priorités…

« Si les moyens nécessaires à la sauvegarde de l’économie sont mis en place, ceux nécessaires à la sauvegarde des personnes ne le sont toujours pas. » Corinne Lepage - "La crise du coronavirus va être analysée comme l'une des plus grandes défaillances de l'État"- HuffPost – 20 mars 2020

Mais cette stratégie risque fort d’avoir l’effet d’un boomerang dévastateur avec l’aggravation non seulement de la crise sanitaire, mais aussi… de la crise économique. Bien joué ! Et le comble est l’appel lancé le 18 mars par Emmanuel Macron et le gouvernement pour demander aux Français·e·s de continuer à travailler (en présentiel) afin d’assurer la vie économique du pays y compris dans des activités non vitales comme le BTP… soit un message en totale contradiction avec le confinement institué. Ce dernier n’est d’ailleurs pas assez ferme pour être réellement efficace comme l’ont souligné de nombreux médecins, tout comme les internes en médecine inquiets de voir les hôpitaux rapidement complètement débordés comme ce fut rapidement le cas en Alsace. Seules les activités absolument vitales devraient être maintenues. Évidemment, il eut fallu un jour les identifier et les lister afin d’être prêt·e·s le jour J.

Du côté des aides, la même ahurissante hiérarchie fut respectée. Dès les premiers jours de la crise, Bruno Lemaire puis Emmanuel Macron ont annoncé le déblocage de centaines de milliards d’euros pour soutenir l’économie, via notamment une "garantie de l’État" de 300 milliards pour les prêts bancaires des entreprises promise dès le 16 mars. Il aura fallu attendre que le bilan dépasse les 1 000 victimes en France le 25 mars 2020 pour que le Président annonce enfin un "plan massif d’investissement" pour les hôpitaux et des primes exceptionnelles pour les personnels soignants.



3. L’épidémie de Covid-19 a révélé au grand public l’état de délabrement dans lequel se trouve l’hôpital public et l’ensemble du système de santé en France.



« Vous avez vu, on travaille bien, on fait des belles choses, mais on a besoin d’argent, et il faut mettre les moyens dans les budgets. [...] Au quotidien, il y a des fermetures de lits dans les services et des fermetures de services faute de personnel. On a besoin de moyens, on a besoin de personnel. On ne peut plus accueillir les patients. Donc il manque des lits. Il faut des lits, il faut du personnel»

« Faites-moi confiance, il y aura des moyens, mais mettre des moyens sans faire les choses pour moderniser, accompagner, transformer, avoir parfois du bon sens, c'est pas aider les gens. Parce qu’à la fin, les moyens, c'est vous qui les payez aussi. Vous savez, il n'y a pas d'argent magique. »


Vous souvenez-vous de cet échange ubuesque entre une soignante du CHU de Rouen et Emmanuel Macron sous le regard amusé d’Agnès Buzin alors ministre de la santé ? C’était en avril 2018 !  2 ans plus tard, force est de constater que rien n’a changé… merci et bravo Monsieur le Président !

Après de très longs mois de grève des personnels hospitaliers pour réclamer plus de moyens humains, matériels et financiers, il aura fallu que nous traversions cette grave crise sanitaire pour que l’exécutif daigne enfin se préoccuper de la santé de son principal organe de… santé. Quelle honte ! Quand il s’agit de faire des cadeaux aux riches oligarques (ISF, Flat tax, Exit tax) et à leurs multinationales - notamment dans l’industrie pharmaceutique - (doublement du CICE), d’augmenter le budget de l’armée ou encore de sauver une cathédrale qui flambe, l’argent coule toujours à flots, mais lorsqu’il est vital de loger tous les sans-abris, de donner les moyens aux hôpitaux de fonctionner de manière optimale ou de préserver les conditions d’habitabilité de notre planète, là « il n’y a pas d’argent magique » !

Dans quelques mois, l’heure du bilan aura sonné et nos gouvernant·e·s devront rendre des comptes sur l’inconséquence de leur politique de santé.

Avec les forces de police, déjà sacrément mises à contribution pour contenir réprimer violemment la colère légitime des Gilets Jaunes, des pompiers, des grévistes contre la réforme des retraites ou encore des militant·e·s écologistes et mêmes des féministes (!), et désormais mobilisées dans nos rues pour assurer le respect du confinement tout en étant privées de toute protection (gants et masques) au prétexte que ce serait "anxiogène" pour la population… et les personnels hospitaliers exténués, exaspérés et cruellement sous-équipés en attente désespérée de masques et de tests, l’exécutif continue de tirer dangereusement sur la corde avec ces Français·e·s qui limitent tant bien que mal la "casse" sociale et sanitaire dont il est lui-même directement responsable.

« La gouvernance est à réinventer. Information ne signifie pas communication et toute information doit être exacte et véridique. La confiance implique d’admettre que le décideur public peut avoir un doute, une ignorance, une difficulté et qu’il est préférable de l’admettre plutôt que de la camoufler dans une communication qui entretient la défiance. La question des priorités doit impérativement être revue. Il est évident que la priorité absolue donnée à la réduction du déficit budgétaire a été tragique pour l’hôpital et le service public sanitaire. Et de plus, ce choix se révélera très probablement à long terme comme infiniment plus coûteux pour les dépenses publiques que ne l’aurait été le maintien à niveau élevé du service public hospitalier. Le même constat peut être fait dans d’autres services publics comme la police, la justice et même dans une certaine mesure l’éducation. Le retour aux besoins fondamentaux d’une Nation, à un service public digne de ce nom (ce qui ne signifie pas que tout doit être dans le service public) sera une exigence évidente. » Corinne Lepage - "La crise du coronavirus va être analysée comme l'une des plus grandes défaillances de l'État"- HuffPost – 20 mars 2020


4. De grands et beaux discours qui masquent de plus en plus mal ignorance, incompétence et fausses promesses.



« Nous sommes en guerre » : cette expression, totalement inadaptée, notre Président l’aura martelée lors de son allocution du 16 mars 2020. Elle est encore plus stupide que la guerre déclarée par François Hollande au terrorisme. Nous ne sommes pas plus en guerre contre le SARS-CoV 2 – c’est un virus qui se propage et non un État qui nous aurait envahi – que nous ne l’étions contre le terrorisme – nos forces de l’ordre ont mis hors d’état de nuire les quelques illuminé·e·s ayant tué au nom de Daech sur notre territoire. Mais, peut-être que de nouveaux effectifs de l’armée patrouilleront bientôt dans nos rues et nos gares pour intercepter tout virus tentant d’entrer sur le territoire français. Pourvu que ces militaires soient aussi utiles et efficaces que les 10 000 soldats de l’opération Sentinelle qui nous protègent si bien des actes terroristes.


"État d’urgence sanitaire" : après l’État d’urgence décrété à la suite des attentats terroristes et l’État d’urgence climatique déclaré par certaines villes, promis par certain·e·s candidat·e·s lors de la campagne des Municipales 2020 ou exigé par les associations du mouvement climat, voici un nouveau venu dans la famille désormais nombreuse des États d’urgence. Dans la foulée, j’invite l’exécutif à lancer un "État d’urgence économique" pour sauver nos belles multinationales du pétrole, de l’automobile, du médicament ou de la défense et un "État d’urgence financier" pour sauver nos banques systémiques. Le plus navrant, le plus affligeant, le plus consternant, c’est que le seul et unique État d’urgence digne de ce nom n’ait toujours pas été déclaré : l’État d’urgence pour sauver la vie sur Terre !!!


« Le jour d’après ne sera pas un retour au jour d’avant » : quelle bonne blague ! Qu’entend-il d’ailleurs par là ?

La fin du désossage de nos services publics et le retour des nationalisations ? La fin du libéralisme absolu et le retour de l’État providence ? La fin d’un système de santé abandonné à la faveur d’un plan massif d’investissement ? Peut-être, mais ne rêvons pas trop.

La fin du libre-échange mondial, du CETA ? La fin de son détestable mépris à l’égard de ses compatriotes, notamment les plus démuni·e·s ? La fin des inégalités ? La fin de l’arrogance et le retour du bon sens ? Aucune chance !

La fin des produits et activités destructrices du vivant et l’amorce d’un début d’audace face à l’urgence écologique ? La fin de la croissance infinie et le début d’une décroissance raisonnée ? La fin de l’oligarchie dictatoriale et l’avènement d’une véritable démocratie ? Impossible ! Ces préoccupations ne font pas partie du logiciel inséré dans sa boite crânienne.

« L’utilisation du principe de précaution, qui en l’espèce a été manifestement ignoré puisque les scénarios les plus pénalisants -qui se révèlent les bons, malheureusement- ont été écartés, probablement pour des raisons budgétaires et des erreurs de jugement. C’est précisément parce que l’on peut se tromper qu’il est essentiel, en cas d’incertitude avec des risques graves de prendre toutes les mesures de précaution qui peuvent l’être même si elles se révèlent ultérieurement inutiles. Il est clair que le principe de précaution a très mauvaise presse dans certains milieux économiques, à Bercy et dans les hautes sphères du pouvoir. Il serait très utile que le droit soit appliqué et que ce principe qui a une valeur constitutionnelle, rappelé par le conseil constitutionnel récemment, soit effectivement appliqué.

[...]Le drame du COVID 19 laissera plus que des traces. Le Président de la République a parlé de rupture à juste titre. Ce n’est qu’à ce prix que la confiance pourra de nouveau avoir un sens et une réalité. » Corinne Lepage - "La crise du coronavirus va être analysée comme l'une des plus grandes défaillances de l'État"- HuffPost – 20 mars 2020



Autrement dit, Roselyne Bachelot avait été bien plus inspirée qu’on a bien voulu le dire lorsque pour faire face à la grippe A elle avait commandé massivement vaccins et masques. Moquée pour son manque de clairvoyance et critiquée pour avoir gaspillé l’argent public, la ministre de la santé de l’époque avait parfaitement respecté le principe de précaution. Nous ne pouvons que constater aujourd’hui qu’il vaut bien mieux se tromper dans un sens que dans l’autre, non ? La santé et la vie n’ont pas de prix !

« Les masques sont un stock de précaution — excusez-moi si ce mot devient un gros mot ici. Ils sont un stock de précaution qui est destiné à toute sorte de pandémie, et ce n’est pas évidemment au moment où une pandémie surviendra qu’il s’agira de constituer les stocks. Un stock, par définition, il est déjà constitué pour pouvoir protéger. » Roselyne Bachelot auditionnée par les député·e·s sur "l’évolution de la pandémie grippale et la mise en œuvre du dispositif de lutte contre celle-ci" – Janvier 2010


Malheureusement, comme le reconnait aujourd’hui l’ancienne ministre, aucun·e des ministres qui lui ont succédé à la santé – de Xavier Bertrand à Agnès Buzin n’a jugé utile de réapprovisionner les stocks…


5. La dimension profondément paradoxale de notre monde relève de la folie pure.



Il nous faut vivre une dramatique crise sanitaire mondiale pour découvrir l’immense vulnérabilité de notre civilisation hors-sol.


Il nous faut vivre une dramatique crise sanitaire mondiale pour enfin nous poser la question de la nécessaire relocalisation de la production.


Il nous faut vivre une dramatique crise sanitaire mondiale avec un arrêt brutal contraint de notre économie pour prendre réellement conscience de la pollution titanesque produite par notre société.


Il nous faut vivre une dramatique crise sanitaire mondiale pour réaliser qu’il peut être utile vital de limiter certaines de nos libertés, et pas uniquement de manière conjoncturelle lors d’une crise (évidemment, je ne parle pas ici de la liberté de sortir de chez soi !).


Il nous faut vivre une dramatique crise sanitaire mondiale pour mesurer à quel point la vie (la nôtre, pour celle des animaux non humains et des végétaux cela ne suffira pas) l’emporte sur toute autre considération économique ou financière.


Il nous faut vivre une dramatique crise sanitaire mondiale pour relativiser l’utilité de nos si nombreux "bullshit jobs" ("jobs à la con") par rapport aux activités réellement vitales, celles pleinement au service du bien commun.


Il nous faut vivre une dramatique crise sanitaire mondiale pour découvrir les sommes astronomiques que les états peuvent soudainement débloquer en quelques jours dans l’urgence. Pas d’argent magique ?


Il nous faut vivre une dramatique crise sanitaire mondiale pour penser enfin à faire des stocks alimentaires et ne pas dépendre uniquement de l’approvisionnement à flux tendu de nos super/hypermarchés.


Il nous faut vivre une dramatique crise sanitaire mondiale pour que nos gouvernant·e·s écoutent les scientifiques !


Il nous faut vivre une dramatique crise sanitaire mondiale pour nous faire une idée un peu plus concrète de ce à quoi pourrait ressembler en partie un monde post-effondrement : rues, avenues et places désertées (les immeubles et maisons des villes le seront aussi !) ; écoles et universités abandonnées ; rideaux des commerces tirés ; stades et terrains fermés ; salles de spectacles vidées ; avions au sol cloués ; usines arrêtées ; trafic automobile au strict minimum limité…


STOP OU ENCORE ?


(Crédit Photo : Contagion - Steven Soderbergh - 2011)


Je vois aujourd’hui deux possibilités : soit cet événement ô combien singulier est le début de la phase finale de l’effondrement global systémique, soit il ne s’agit que d’une répétition générale avant l’inéluctable.

Personnellement, j'ai certes prévu l’avènement de cette ultime étape dans les 5 premières années de la décennie 2020-2030, mais pas aussi tôt, plutôt vers 2022 et dans l’idéal aux alentours 2023-2024 pour que nous ayons le temps d’anticiper un tout petit peu afin de réunir au niveau des territoires les conditions nécessaires à une résilience (multi)locale. (J'aborde ce point clé dans le Tome 2 "Écrivons un nouveau récit pour sauver la vie"). Gageons donc plutôt que ce satané coronavirus nous offre l’opportunité d’une répétition générale. Car, ne nous y trompons pas. Certains des 12 dominos intimement imbriqués de notre civilisation thermo-industrielle sont dores et déjà gravement touchés, affectés (infectés ?), impactés - c'est le cas du domino sanitaire forcément, du domino économique avec le spectre d'une longue récession (si seulement nous en profitions pour lancer enfin la décroissance) ou encore du domino financier avec le dévissage des bourses - mais le Covid-19 ne menace ni le domino alimentaire (nos supermarchés restent approvisionnés), ni le domino social (la colère récente liée à la contestation de la réforme des retraites est mise entre parenthèses et la grogne généralisée est nécessairement suspendue pendant le confinement), ni le domino énergétique (c'est même plutôt un sursis que se voit offrir la pérnurie énergétique et notamment pétrolière) et pour l'instant le web n'a pas encore implosé (domino technologique) malgré son utilisation intensive. Quant au domino biologique (biodiversité végétale et animale), il est un peu soulagé du fait de la cessation ou le ralentissement de très nombreuses activités destructrices. Mais, la défiance vis-à-vis du pouvoir politique actuel connait avec cette crise une nouvelle tension...


Cette crise aura-t-elle alors pour effet salvateur de nous ouvrir vraiment les yeux sur l’incohérence de notre société mondialisée, la non-soutenabilité de notre civilisation, la cruauté de notre espèce vis-à-vis de l’ensemble du vivant et notre folle course à l’autodestruction ?

Ou, une fois passée, n’aura-t-elle été qu’un bref ralentissement de notre grande machine d’annihilation du vivant avant qu’elle ne ré-appuie à fond sur le champignon ?

Pour être tout à fait honnête, je ne crois pas une seconde à la première option. Je suis même effaré de voir autant de personnes penser, prétendre ou affirmer qu'il y aura un avant et un après Covid-19. Quelle incroyable naïveté !

Je vous invite à me faire confiance et à ne (plus) rien attendre du pouvoir en place en France, de l’Union européenne, de l’ONU, du G7 ou du G20 et encore moins des multinationales qui gouvernent le monde. Laissons donc ce système en fin de vie mourir de lui-même ! Le coup d'accélérateur qu'il va inévitablement donner dès que la crise sera passée, va précipiter encore un peu plus l'effondrement global systémique. Et cette fois-ci, c'est la totalité des 12 dominos (biologique, alimentaire, sanitaire, énergétique, technologique, climatique, financier, économique, politique, social, culturel et démographique) qui chutera.


Non, espérons simplement que ce drame planétaire entraine la multiplication des vrai·e·s rebelles engagé·e·s pour créer un monde meilleur, une nouvelle société respectueuse du vivant, humainement plus juste et réellement démocratique.


« Nous faisons aujourd’hui l’expérience à moindres frais de nos fragilités. Si demain, nous revenons à notre aveugle train-train, primat du marché, sentiment de présent perpétuel, environnementalisme de façade, grand remplacement de la raison par les affects, assassinat permanent de la langue, la prochaine crise nous trouvera aussi sots, aussi démunis. Je rêve que ce virus soit le point de butée où trébuche notre civilisation du déni permanent ; qu’enfin nous regardions les choses en face et constations notre échec. Ce monde que nous avons fabriqué, dans ses détails comme dans son déploiement, n’est pas viable. D’autres raz-de-marée sont à prévoir. Tout est à refaire. » Nicolas Mathieu – Prix Goncourt 2018 pour le livre "Leurs enfants après eux" - Tribune "Je rêve que ce virus soit le point de butée où trébuche notre civilisation du déni permanent"

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