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  • Photo du rédacteurJean-Christophe Anna

Effondrement : comment vaincre cette foutue inertie pour préserver la vie ?

Dernière mise à jour : 1 août 2019


Pourquoi diantre ne bougeons-nous pas ? Nous avons (toujours) le choix et pourtant nous ne parvenons pas à faire le grand saut, à oser prendre cette pilule rouge pour changer notre monde et préserver la vie (la nôtre et celle de l'ensemble du vivant) sur Terre !


Les scientifiques sont aujourd'hui désespéré·e·s, tant par la gravité de la situation actuelle - réchauffement climatique, extinction de la biodiversité, épuisement des ressources... - que par l'inaction absolue des "grands" de notre monde et de la quasi majorité de la population mondiale. Les faits ont beau être accablants, les preuves aussi innombrables qu'irréfutables, la certitude quant à notre responsabilité désormais unanime (oublions les quelques fous·folles, il y en aura toujours)... rien n'y fait... notre civilisation thermo-industrielle fonce toujours plus vite et toujours plus fort vers le mur, le précipice, bref l'effondrement global. Perfusée à l'or noir, droguée par l'hyper-consommation, hypnotisée par le mirage de la croissance infinie, notre société capitaliste et néolibérale tourne aujourd'hui en roue libre !


Incroyable paradoxe ! Horripilante dissonance cognitive ! Nous autres collapso convaincu·e·s, nous évoluons naturellement entre agacement, colère et lâcher prise face à cet immobilisme si coupable à nos yeux. Il nous faut faire preuve d'acceptation face à cette inertie contre-intuitive pour la simple et bonne raison que nous n'avons pas le choix : le cerveau humain n'est clairement pas programmé pour appréhender un effondrement systémique. Et ceci pour au moins 9 raisons !


Bien entendu, ce n'est pas une excuse pour lâcher l'affaire, abandonner notre croisade, notre louable entreprise d' "évangélisation". Mais cette réalité permet de mieux comprendre l'immense difficulté pour nous de convaincre nos proches et le reste du monde !


Alors, comment éveiller les consciences, sensibiliser, informer, sans heurter, provoquer sidération et anxiété et finir par écoeurer ? Comment créer ce fameux déclic chez les autres ? Comment faire pour que cette prise de conscience soit mobilisatrice et non paralysante ?

Quelle belle histoire raconter pour embarquer ? Comment la rendre plus "séduisante" que le récit dominant qui s'est imposé dans notre société mondialisée ?




ÉVOLUTIONNISTE, SOCIALE, PSYCHOLOGIQUE... LES 9 RAISONS DE NOTRE INERTIE !


« Cela fait quarante ans que j'essaie de sensibiliser les gens, et je dois reconnaître que j'ai totalement échoué. »

Dennis Meadows (co-auteur de "The Limits to Growth" de 1972) en 2012. En 2022, cela fera 50 ans...




Du fonctionnement de notre mémoire au mécanisme de défense psychologique en passant par nos croyances, différentes raisons expliquent cette inertie (quasi) généralisée. En voici 9 ! Si vous en connaissez d'autres, merci de les partager en commentaire de cet article. ;)

1. L'effondrement n'est pas encore - réellement - palpable. La vie, regardée sous un angle humain (dans le monde occidental) , semble continuer normalement autour de nous.


Record de températures en Suède – 30 à 35 degrés au niveau du Cercle Polaire – Sécheresse historique en Australie – 9 mois sans pluie en Nouvelle-Galle-du-Sud – Climat caniculaire au Canada – plus de 500 feux de forêt simultanés – Mousson spectaculaire en Inde, en Birmanie, au Laos, en Thaïlande et au Vietnam, Incendies très violents en Grèce, au Portugal et en Californie... rythmé par de très nombreux événements climatiques inquiétants, l'été 2018 fut "apocalyptique". La France ne fut pas épargnée, mais les incidents climatiques violents sont trop vite oubliés... Qui se souvient de la fin août 2018 ? L’aspect voilé du ciel alsacien alors observé était dû aux particules dégagées par les feux au Canada. Et quand l’Aude dû affronter des inondations meurtrières, c’est tout le Grand Est qui était confronté à une sécheresse dramatique. Le déficit de pluviométrie fut si grave que le Doubs se retrouva à sec et le niveau du Rhin historiquement bas avec par endroits l'impossibilité de naviguer. Depuis, les signes se multiplient et s'intensifient aux 4 coins du globe. Et au vu de la canicule aussi sévère que précoce de la fin du mois de juin, tout porte à croire que l'été 2019 pourrait être pire encore...

Cependant, à quelques rares exceptions près (début de pénurie d'eau dans le nord de la France à Valenciennes notamment), tout semble, a priori, continuer de parfaitement fonctionner autour de nous : les supermarchés sont pleins, les terrasses bondées, nos smartphones vibrent et sonnent frénétiquement, l'économie carbure toujours et la bourse tient (miraculeusement)... Je me souviens avoir été sidéré par certaines réactions enthousiastes à la perspective de prendre un café en terrasse mi octobre 2018 à Strasbourg, ma ville. Le thermomètre indiquait alors... 27 degrés... chouette ? Non, inquiétant !

Malgré toutes les preuves scientifiques et les incidents à répétition, l'effondrement reste encore difficilement perceptible pour une très grande majorité de la population occidentale qui est loin d'imaginer que le phénomène a déjà commencé. Pourtant, il fait déjà parti du quotidien des habitants du Bengladesh, du Vénézuela ou de la Syrie.


Rien ne semble donc capable de nous sortir de notre torpeur, un peu comme si nous étions toutes et tous plongé·e·s dans une forme de "matrice", un monde apparent qui nous empêche de voir le vrai monde s’effondrer.



Souvenez-vous des paroles de Morpheus expliquant la Matrice à Neo dans le film Matrix :

« La Matrice est universelle. Elle est omniprésente. Elle est avec nous, ici, en ce moment même. Tu la vois à chaque fois que tu regardes par la fenêtre, ou lorsque tu allumes la télévision. Tu ressens sa présence lorsque tu pars au travail, quand tu vas à l’église, ou quand tu paies tes factures. Elle est le monde qu’on superpose à ton regard pour t’empêcher de voir la vérité. »

Dans Matrix, les machines endorment les humains en les plongeant dans un monde virtuel semblable à l'ancien monde (celui qui existait avant que les machines ne prennent le pouvoir), pour qu'ils ne voient pas la réalité : un monde dévasté dans lequel les humains sont élevés par millions dans des champs pour leur servir de batteries.

De la même manière, nous sommes aujourd'hui drogué·e·s, manipulé·e·s, anesthésié·e·s, hypnotisé·e·s, endoctriné·e·s par le machiavélique système des 3C - Croissance infinie, Compétition toxique, Consommation destructrice - qui a pris totalement possession de nos cerveaux... harcelés par la publicité, écrasés par l'infobésité et épuisés par cette course effrénée après le temps. Nous avons perdu toute lucidité, convaincu·e·s de ne plus avoir le choix, malgré le sentiment de jouir d'immenses libertés.



2. Le déni comme arme de défense... Regarder la réalité en face est trop anxiogène !


La perspective d'un effondrement est si complexe à appréhender, si anxiogène par rapport à nos repères et si contraire à notre modèle de société idéale fondée sur la croissance infinie et la consommation/accumulation boulimique, que nous sommes nombreux·euses à la refouler dans notre esprit comme si elle n'existait pas. Il s'agit là d'un mécanisme de défense psychologique. Non, nous sommes souvent bien trop attaché·e·s à notre mode de vie pour imaginer devoir en changer. Non, mais bon sang, pourquoi cela devrait-il tomber sur nous ? Non enfin comme l'a dit Georges Bush père, alors Président des États-Unis au "Sommet de la Terre" à Rio en 1992, dans une formule aussi célèbre que symptomatique du déni au plus haut niveau : « Le mode de vie américain n’est pas négociable ! »

François Chauchot, médecin Psychiatre, l'explique parfaitement dans la vidéo ci-dessous :

« On peut concevoir le déni comme un mécanisme tout à fait humain de défense, de protection psychologique et qui est nécessaire pour faire avec les éléments de la réalité et notamment parfois avec leur caractère complexe, leur caractère angoissant. Bref, finalement tout un aspect peut-être existentiel. Le déni est un mécanisme que l'on utilise au quotidien, qui permet de maintenir un certain équilibre psychique qui va permettre de nous écarter de l'angoisse ou de la dépressivité pour pouvoir avancer. Il ne suffit pas par exemple d'annoncer la maladie ou un cancer à quelqu'un pour que pour autant il l'assimile. Pour retrouver son équilibre intérieur, une des solutions ça serait éventuellement d'être dans le déni


EFFONDREMENT DE LA CIVILISATION (Prise de conscience, Déni, Transition, Collapsologie) - NEXT - Montage réalisé par la chaîne YouTube Nyavlis - Janvier 2019


Dans la même vidéo Cyril Dion ne dit pas autre chose : « Si tu proposes pas une réponse adéquate, qui peut être de s'engager dans une action ou de construire un autre récit etc. la réponse que le cerveau va trouver par défaut c'est de mettre le danger de côté pour s'en préserver, pour ne pas qu'il soit suffisamment écrasant pour nous sécher par terre. »

Le comble, c'est que c'est justement ce mécanisme naturel de protection qui risque bien de causer notre perte...

Dans la même vidéo, Yves Cochet s'exclame : « C'est pour ça que l'effondrement va arriver parce que le déni est général ! ».



3. Ça ne sert à rien de bouger !


Cette réaction peut cacher des motivations très diverses, voire carrément contradictoires.

J'en ai identifié 4 :


Une première catégorie pense que cela ne sert à rien de bouger individuellement car l'impact serait/est trop faible. Et même si nous faisions toutes et tous des efforts, encore faudrait-il qu'ils soient un tant soit peu coordonnés pour être réellement efficaces. Ainsi, comme le dit très justement Julien Wosnitza, auteur du livre "Pourquoi tout va s'effondrer ?", certain·e·s vont consommer moins de viande tout en continuant à découvrir le monde en avion. D'autres vont boycotter l'avion, sans modifier pour autant leurs habitudes alimentaires.

Selon les membres de cette première catégorie, pour que cela change vraiment, les décisions doivent être prises au niveau national, européen ou même plutôt... mondial ! Car, tant que les multinationales continueront de polluer ou que les pays du Sud aspireront au même niveau de confort que l'Europe ou l'Amérique du Nord, tout changement individuel, même organisé collectivement, sera anecdotique. J'avoue humblement avoir longtemps appartenu à cette catégorie.


La 2ème catégorie pense qu'il est déjà trop tard et que foutu pour foutu, autant en profiter. C'est la fameuse famille des "Aquoibonistes" tendance "enfoiré·e·s" (selon la classification de Pablo Servigne et Raphaël Stevens dans leur livre "Comment tout peut s'effondrer"). Comme tout va s'effondrer prochainement, autant en profiter à fond jusqu'au bout en mangeant un maximum de viande et en cramant un maximum de kérosène.


Une 3ème catégorie peut se retrouver littéralement paralysée devant la multiplication des messages alarmistes sur le réchauffement climatique, l'effondrement de la biodiversité, l'épuisement des ressources...



Enfin, la dernière catégorie se rassure faussement en se disant que nous avons encore le temps comme le proclament les "alarmistes" (selon la distinction proposée par Yves Cochet entre "alarmistes" et "catastrophistes"). Dans le cadre de leurs appels, tribunes, pétitions... ces derniers laissent systématiquement la porte ouverte en disant qu'il n'est pas trop tard pour agir à condition de le faire immédiatement ou dans les 2 ans ou avant 2030... Les alarmistes se disent que sans espoir, personne n'aura envie de bouger. Oui, mais... à force de dire que nous avons le temps... personne ne bouge non plus !


4. La technologie finira bien par nous sauver !


Et oui ! Très nombreux·euses sont celles et ceux qui s'en remettent à la sacro-sainte technologie pour éviter le crash.

La technologie semble nous avoir toujours permis de progresser (le progrès technologique), de trouver des solutions. C'est rassurant de penser que nous finirons bien par en trouver une : la recherche de nouvelles ressources énergétiques sur des météorites, la conquête de Mars chère à Elon Musk, celle de l'Univers dont rêve Jeff Bezos, le transhumanisme, l'IA, l'informatique quantique, la pile à hydrogène, la fusion nucléaire...

Mais, notre planète a des ressources finies et ces délires mégalomaniaques requièrent beaucoup d'énergie. Et nous n'en avons plus assez.



Les fous·folles promoteurs·trices de cette fuite en avant technologique vont donc rapidement déchanter dans les prochaines années : NON, coloniser Mars restera un pur fantasme bien plus ardu à réaliser qu'envoyer une Tesla dans l'espace (euh... c'était quoi l'idée ?). NON, l'IA forte susceptible de dépasser dans tous les domaines l'intelligence biologique humaine, restera de la science-fiction (tant mieux !). NON, l'espèce humaine ne vaincra pas la mort comme en rêvent nos amis transhumanistes. Elle n'a jamais été aussi proche de son extinction, n'en déplaise à Ray Kurzweil et Peter Thiel. NON, aucun humain ne vivra 1 000 ans comme le prétend notre Laurent Alexandre national... la vraie question est de savoir si l'un·e d'entre nous verra la fin du XXIème siècle. En toute transparence, j'avoue avoir redouté ces 2 folies (IA forte et Transhumanisme) avant de comprendre fin 2017 que l'épuisement de nos ressources énergétiques était imminent.


Philippe Bihouix dans l'un de ses passages sur Thinkerview a utilisé cette belle image : notre société se comporte comme une voiture qui fonce vers le précipice à toute allure en pensant qu'au dernier moment des ailes sortiront de la carrosserie. Évidemment, il n'y a pas d'ailes...

5. Notre mémoire est adaptative


« Il y a cinquante ans à peine, l'espèce humaine s'imaginait triomphante ; elle se découvre aujourd'hui au bord de l'extinction. À cette menace, elle ne répond que mollement, à la limite de l'indifférence ou - ce qui revient au même d'un point de vue pratique - en tentant de dégager un bénéfice commercial de toute tentative de réponse. C'est-à-dire en ignorant de facto l'urgence et l'ampleur du péril.

... Notre espèce est-elle outillée pour empêcher sa propre extinction ? La réponse à cette question ne souffre malheureusement pas d'équivoque : sa constitution psychique et son histoire jusqu'ici suggèrent qu'elle n'est pas à la hauteur de la tâche. »



Dans son livre "Le dernier qui s'en va éteint la lumière - Essai sur l'extinction de l'humanité", Paul Jorion explique parfaitement les paradoxes qui nous animent. L’être humain est tributaire du fonctionnement de ses deux cerveaux, le cerveau reptilien (émotionnel) et le cerveau cortex (rationnel).

Pendant plusieurs millions d’années, notre cerveau reptilien nous a permis de survivre en évitant les dangers immédiats, c'est à dire clairement perceptibles par nos 5 sens. Contrairement à ce que nous pouvons penser, nos actions sont plus souvent la traduction de notre inconscient que d’une décision mûrement réfléchie. L’action précéderait même l’intention, si bien que notre conscience ne nous permet que de constater après coup pour mémoriser les réactions les plus adaptées aux différentes situations avec pour unique objectif la survie.

Résultat : notre mémoire est adaptative. Par conséquent, nous sommes « équipés » pour réagir à une catastrophe correspondant à une situation déjà rencontrée et non pour anticiper une catastrophe nouvelle, car il n’y a pas d’affect/peur associé·e.

Ainsi, il nous est plus "facile" de nous inquiéter d'un accident hypothétique de la vie quotidienne (accident de la route, cancer, se retrouver "à la rue"...) que de l'effondremnet de notre civilisation thermo-industrielle.

« Ce n'est que lorsque la majorité de la population ressentira quotidiennement l'effondrement dans sa chair que la nécessité la conduira à agir. »

Yves Cochet - Tribune "Ne vous alarmez pas : c'est la catastrophe !" - Hors Série "Et si tout s'effondrait" - Socialter - Décembre 2018 / Janvier 2019



6. La dimension supraliminaire* de l'effondrement dépasse nos capacités cognitives (* : supérieure au seuil normal de compréhension)


L'effondrement de notre société est d'autant plus compliqué à appréhender qu'il est systémique, global. Loin d'être uniquement climatique, il est écosystémique (effondrement de la biodiversité), énergétique (épuisement des ressources), agricole et donc alimentaire (appauvrissement et pollution des sols, chaque degré supplémentaire équivaut à 10% de rendement agricole en moins), hydrique (raréfaction des ressources en eau...), sanitaire (risque accru de famines et d'épidémies), économique et financier (nouveaux Krach boursier imminent et impact sur l'économie des événements climatiques et de l'épuisement des ressources), social (forte aggravation des inégalités au sein de chaque pays et tsunami à venir des migrations climatiques), politique (grande probabilité de conflits dans un futur proche sous la forme de guerres civiles et de guerres entre états)...


C'est la raison "évolutionniste", l'une des deux invoquées par Yves Cochet dans sa tribune "Ne vous alarmez pas : c'est la catastrophe !" publiée dans le Hors Série de la revue Socialter "Et si tout s'effondrait ?"en faisant référence à la pensée du philosophe Günther Anders ("Le Temps de la fin ") :

« L'effondrement global ne peut pas être saisi dans toute son ampleur et affronté proportionnellement parce que son immensité dépasse les capacités cognitives de l'esprit humain.

Cet effondrement est un phénomène supraliminaire, supérieur à tout ce que le processus d'hominisation a rencontré depuis un million d'années.

Il est impensable, impossible à prendre en compte politiquement pour prétendre l'éviter ou même en réduire les conséquences sinistres.

On ne peut pas collectivement (c'est à dire planétairement) souscrire à une économie de guerre avant la guerre. Nous ne pouvons pas croire à ce que nous savons. »


7. Le danger du mimétisme


Bien souvent, nous ne bougeons que lorsque les autres bougent. Notre comportement dépend étroitement de ce que les autres pensent de nous...

C'est la seconde raison avancée par Yves Cochet, la raison psycho-sociale :

« Le philosophe Jean-Louis Vullierme a mis le doigt sur une chose importante. Il y aurait un mimétisme répulsif et un mimétisme attractif chez les êtres humains. Je désire cette personne ou ce smartphone parce que les autres le désirent. Le désir comme la répulsion ne sont pas endogènes, ils naissent dans le regard des autres. Mon opinion ou mon action, en tant qu'individu, n'est pas le produit de ma volonté mais de ce que je pense que les autres pensent de moi. Et donc, si je faisais quelque chose de très différent, le feraient-ils également ? Par exemple, il faudrait baisser notre consommation de viande, abandonner la voiture... Individuellement, la plupart des gens diront qu'ils sont d'accord sur ces objectifs, mais vont-ils le faire ? Ils vont regarder si les autres le font - c'est d'ailleurs la même chose au niveau des nations. La démocratie n'est pas, à ce titre, une espèce de sommation issue de la volonté de tous d'être en paix, c'est un regard croisé sur ce que font les autres. On a donc beau annoncer des catastrophes, personne n'agit. Si vous agissez en regard de l'effondrement, vous engendrez une baisse de votre niveau de vie et créez une inégalité par rapport aux autres. »

Oui, nous sommes de plus en plus nombreux·euses.

Guidé·e·s par le couple raison-intuition cher à Pablo Servigne et Raphaël Stevens, nous sommes en effet de plus en plus nombreux·euses à avoir compris et admis l'évidence, mais à l'échelle d'une ville, d'un pays, d'un continent ou du monde, nous ne sommes en réalité que quelques un·e·s...

Et Yves Cochet de conclure : 

« Notre incapacité à agir vient donc de cette dimension supraliminaire et du mimétisme. Ces caractéristiques de l'espèce humaine entraînent l'inéluctabilité de l'effondrement. »



8. La publicité, totalement hors-sol, entretient la machine à consommer...


Elle nous fait rêver avec cette plage de sable fin à l’autre bout du monde. Elle nous drague avec ce look hyper tendance pour affronter l’hiver. Elle nous fait voyager avec ce SUV aussi compact qu’irrésistible. Elle nous tente avec ce smartphone à l’écran immense…

Impossible de la rater et très difficile de l’ignorer, tant la publicité est omniprésente dans nos vies. Elle nous suit absolument partout, de l’intimité privée à l’espace public. Déjà logée sur nos emballages alimentaires et sur nos produits cosmétiques, nos vêtements ou la coque de nos joujoux techno, elle inonde notre boite aux lettres physique, tout comme notre messagerie mails. Elle rythme nos lectures dans les journaux ou magazines et accompagne notre navigation sur le web et les médias sociaux. Elle interrompt notre morceau préféré sur Spotify pour nous rappeler qu’il est temps de prendre un abonnement. Et elle pollue chaque vidéo visionnée sur YouTube. Presse, radio, TV, web, médias sociaux, smartphones et tablettes… ses terrains de chasse se sont multipliés avec l’explosion technologique des 25 dernières années.


Et que dire du paysage urbain ? La pub l’a complètement vampirisé. Dans l’espace public, Elle nous est littéralement imposée. Elle nous offre un peu d’ombre sur la terrasse d’un café lorsqu’elle orne un parasol, elle nous fait un clin d’oeil depuis le verre qui accueille notre cocktail ou notre bière rafraichissante. Elle s’invite à notre table au restaurant en nous taquinant depuis le set en papier posé devant nous et nous traque jusqu’aux toilettes au-dessus de la cuvette ou au dos de la porte… Elle est placardée sur les panneaux publicitaires disséminés un peu partout, au coin de la rue, à l’arrêt de bus, de tram ou de métro et à l’intérieur des ces transports en commun, dans les gares ou les aéroports, le long des routes.


Ce matraquage agressif réduit les humains à leur unique et toxique condition de consommateurs·trices pour alimenter la grande machine de la consommation - donc de la production - mondialisée et booster ainsi cette croissance que l'ont croit sans limites... Pour nous séduire, les annonceurs (et les créatifs des agences derrière) ne s'interdisent rien, de l'évidente manipulation intellectuelle (les voitures y évoluent toujours en pleine liberté, en l'absence totale de trafic) aux pousse-au-crime écologiques (ces pubs innombrables dans les couloirs du métro à Paris des compagnies lowcost qui vous proposent des vols à des prix dérisoires)...



et pourquoi pas, tant qu'on y est, à l'opportunisme le plus ahurissant, choquant, consternant...



Quand on sait que la honte de prendre l'avion, le fameux "flygskam" venu de Suède se propage au point d'inquiéter... le PDG d'Air France-KLM qui l'a qualifiée en mai dernier de « grande menace » et que plusieurs député·e·s (Delphine Batho, François Ruffin) ont déposé dans le cadre de la discussion sur la loi mobilité des amendements visant l'interdiction des vols internes quand la liaison directe en train existe, il fallait vraiment oser.

Palme du cynisme absolu, cette pub réunit tous les ingrédients de la provocation ultime :

  • "Plus la température monte" pour le réchauffement climatique, dû aux émissions de gaz à effet de serre auxquelles contribuent le transport aérien,

  • "Plus les prix baissent sur la France et l'Europe" pour l'incitation à prendre toujours plus l'avion afin de contribuer à la pollution et donc au réchauffement climatique,

  • "Les sièges sont bien au frais" pour la climatisation dont l'impact sur le réchauffement climatique est réel,

  • "ils fondent comme neige au soleil..." pour le clin d'oeil à la fonte des glaces et des glaciers, conséquence directe du... réchauffement climatique !!!


Bref, cette pub est tellement énorme qu'elle ressemble à s'y méprendre à une fausse pub. Et pourtant, elle est bien réelle et le comble est qu'elle a été envoyée par mail... en pleine canicule. Chapeau !

Et pour ne rien arranger, la réponse de l'une des community managers de la compagnie au tweet du député Matthieu Orphelin vaut son pesant d'or :



Et la réponse d'Air France au Parisien laisse sans voix...


« Il s'agissait d'une campagne de publicité digitale et ciblée, envoyée par mail. Le but était de la faire coïncider avec le début de l'été en faisant écho aux fortes chaleurs ressenties à cette saison. La campagne a été préparée il y a une dizaine de jours. Puis validée mardi avant diffusion mercredi et jeudi. À aucun moment nous nous sommes rendus compte qu'elle pouvait être mal perçue. » La compagnie avoue donc l'avoir validée (et envoyée) en pleine canicule, sans être consciente du hic...



9. La désinformation a le vent en poupe !



Si l'effondrement et la collapsologie profitent aujourd'hui d'une couverture médiatique de plus en plus importante, c'est encore trop souvent pour leur dimension sensationnelle associée à la fin du monde... péril bien trop grave et anxiogène pour être réellement pris au sérieux par les médias de masse et donc par ricochet par une grande majorité de télespectateurs·trices, lecteurs·trices et auditeurs·trices qui en France s'informent via BFM TV, CNews ou iTélé, TF1, Le Figaro, L'Express, L'Obs, Europe1 ou RTL.

Le 28 juin dernier, lorsque je suis tombé nez à nez avec le dernier numéro de Valeurs Actuelles, je suis resté interdit, complètement sonné, littéralement abasourdi pendant 5 bonnes minutes avant de le prendre en mains pour le feuilleter.


Les arguments fallacieux et les accusations délirantes à l'encontre de Greta Thurnberg ou Aurélien Barrau m'ont convaincu qu'il était de mon devoir de l'acheter pour en partager le contenu avec les membres de la communauté collapso, notamment via le groupe Facebook "Transition 2030". Et forcément, les commentaires ont fusé !


Voici quelques morceaux choisis pour vous faire une idée concrète de cette incroyable opération de propagande :


"Charlatans de l'écologie"... "Totalitarisme vert"... "ils embrigadent la jeunesse"... "Prophètes de malheur"... "La science officielle, considérée comme un moyen de faire taire les contradicteurs, a rendu la science véritable obsolète"... "L'obsession totalitaire de vouloir changer la société pour sauver le monde"... "C'est bien cela, la mort du débat, la mort de la raison, qu'il convient de redouter, et non un quelconque cataclysme planétaire"... "On a basculé dans l'antiscience." ...


Alors oui, les climatosceptiques sont aujourd'hui bien moins nombreux qu'à la fin du XXème siècle, mais les pseudos expert·e·s qui s'évertuent à décridibiliser la possibilité d'un effondrement de notre civilisation et le risque d'extinction de l'espèce humaine d'ici 2100, se voient offrir de sacrées tribunes avec le dossier de Valeurs Actuelles, le numéro spécial de la revue "Le Spectacle du monde" avec une belle brochette de climato-sceptiques (voir le bandeau du haut sur la une de VA) ou encore les nombreuses chroniques de Laurent Alexandre (hebdomadaire dans L'Express et trimestrielle dans WE Demain) qui jouit d'une exposition incroyable encore boostée par ses interventions sur les plateaux TV et radio.


Et n'oublions pas la provocation climatosceptique orchestrée par Pascal Praud est son équipe à l'occasion du passage de Claire Nouvian dans "L'heure des pros" sur CNews le 6 mai 2019 ou le récent numéro de l'émission Complément d'enquête "Fin du monde : et si c'était sérieux ?" du 20 juin dernier, habilement monté pour semer le doute sur le sérieux justement de l'idée même d'effondrement...



Pourquoi la désinformation est-elle si dangereuse ? Tout simplement parce qu'elle sème le doute dans les esprits. Elle rassure toutes celles et tous ceux qui sont dans le déni absolu. Ils·elles ne veulent/peuvent tellement pas y croire qu'ils·elles vont se raccrocher à toute argumentation remettant en question l'évidence. Certaines personnes, j'en connais une dans ma famille, affirment encore aujourd'hui qu'il y a toujours eu des périodes de réchauffement climatique, que c'est un phénomène naturel et que les humains n'y sont pour rien...




LA CRUELLE INERTIE DE NOS ÉLITES (GOUVERNANT·E·S, ÉCONOMISTES, MULTINATIONALES)


« Tout le monde s'accorde à dire que la crise environnementale est une menace existentielle, le défi le plus important de notre époque, et pourtant personne ne bouge.

Tout continue comme si de rien n'était. Je ne comprends pas cela : car si les émissions carbone doivent s'arrêter, alors nous devons arrêter les émissions carbone.

Pour moi c'est blanc ou noir : il n'y a pas de zone grise quand on parle de survie. »

Greta Thunberg - "Rejoignez-nous. #grevepourleclimat" - Kero - 2019


Lorsque l'on prend conscience de l'urgence écologique absolue dans laquelle nous nous trouvons (et que nous avons nous-mêmes provoquée), une question cruciale se pose spontanément, immédiatement : nos élites savent-elles ? Ou plutôt comprennent-elles vraiment la gravité de la situation ?



J’avoue avoir toujours du mal à trancher entre ces 3 options :

  • Option 1 : nos élites savent et ont compris, mais elles défendent avant tout leurs intérêts au détriment de la grande majorité de la population.

C’est ce que pensent notamment Julien Wosnitza, auteur du livre " Pourquoi tout va s’effondrer ?" et fondateur de l'association " Wings Of the Ocean", tout comme le hacker-animateur de l’excellent podcast Thinkerview.

Tandis que les patrons des "pépites" la Silicon Valley (GAFAMI : Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft, IBM et NATU : Netflix, AirBnB, Tesla, Uber) font l'acquisition de terres vierges en Nouvelle-Zélande en ignorant visiblement que les écosystèmes y sont tout autant détériorés qu'ailleurs sur le globe, les traders de la City à Londres lorgnent du côté de la Suède (pourtant loin d'être épargnée par le réchauffement climatique) comme le raconte Gaël Giraud, Chef économiste de l'Agence Française pour le Développement, lors de son passage sur le plateau de Thinkerview le 20 mars 2019.


S'ils sont bien loin d'avoir l'intention de modifier leurs activités ou celles de leurs entreprises, ils prennent tout de même leurs précautions au cas où...


Un autre argument pour appuyer la probabilité de cette option est l'immense hypocrisie des 5 principaux groupes pétroliers dévoilée récemment. Depuis l'Accord de Paris de 2015 (COP21), en façade ExxonMobil, Shell, Chevron, BP et Total surfent à fond sur la vague du Greenwashing en affichant leur soutien à la maitrise du réchauffement climatique. Et "en même temps" ces groupes dépensent 200 millions par an en lobbying pur pour « contrôler, retarder ou bloquer les politiques contraignantes motivées par le climat », selon InfluenceMap, chargée de suivre l'action d'influence des entreprises. Ce lobbying aurait notamment entravé les efforts des gouvernements du monde entier pour mettre en œuvre de telles politiques après la COP21.



​Le cynisme est à son comble lorsque l'on découvre en 2015 dans un document interne révélé par The Guardian, que Shell reconnaît que la planète va se réchauffer bien au-delà des 2 degrés avec un risque à +4°.

Et en 2018, c'est un autre rapport interne confidentiel datant de 1988 "The Greenhouse effect" qui est dévoilé... La compagnie Royal Dutch Shell connaissait parfaitement l'impact des émissions de gaz à effet de serre sur le réchauffement climatique. Les scientifiques du groupe de travail interne à la compagnie notaient notamment que « si le CO2 émis dans l’atmosphère est la conséquence de différents processus, la cause principale de son augmentation provient de la combustion de carburants fossiles ».


Entre les brillantes pubs des compagnies aériennes et les sincères engagements écolos des groupes pétroliers... la pire hypothèse du rapport Meadows de 1972, celle qui nous envoie directement dans le mur, n'a jamais aussi bien porté son nom : "Business as usual" !


  • Option 2 : nos élites en ont entendu parler, mais elles ne peuvent pas y croire tellement l’hypothèse de l’effondrement va à l’encontre de leurs convictions, de leurs croyances.

C’est le sentiment de Vincent Mignerot, Chercheur indépendant dans le domaine des Sciences Humaines et fondateur d'Adrastia, association qui sensibilise sur les risques d’effondrement.

Lors d'un échange Facebook live avec Nicolas Hulot à l'été 2018 quelques semaines avant sa démission, Edouard Philippe a été pris "en flagrant délit" de dissonance cognitive sévère devant son ministre pour le moins interloqué. Il a réussi l'exploit de citer SON livre de chevet favori "Collapse" de Jarred Diamond pour évoquer le risque d'effondrement de toute civilisation, aussi développée soit-elle, qui le « taraude » tout en croissance…



« Comment on fait pour que notre société humaine n'en arrive pas au point où elle serait condamnée à s'effondrer ? C'est une question compliquée. »

Et alors que Nicolas Hulot en profite pour féliciter Philippe d'avoir lu "Collapse" et souligner l'enseignement principal du livre - la prise en compte de la limite des ressources dont on dispose - Edouard Philippe reprend la parole pour rassurer les internautes et se rassurer lui-même : « Et l'autre enseignement du livre, c'est qu'on peut s'en sortir. ... Et puis il montre des sociétés dans lesquelles on comprend qu'on est en train d'approcher de la limite et on change, non pas d'ailleurs pour arrêter de croitre, mais pour changer de modèle qui permet à l'environnement et aux ressources d'être préservées. »


Quelle formidable illustration de la puissance de la fiction et des "réalités imaginaires" chères à l’auteur de "Sapiens", l'écrivain Yuval Noah Harari. Tout comme la majorité des économistes, des financiers, des patrons de multinationales et d'une très grande partie de la classe politique dont Emmanuel Macron évidemment, Edouard Philippe a été biberonné au mythe de la croissance infinie qui a pris naissance avec la Révolution industrielle au milieu du XIXème siècle. Les ressources de la planètes semblaient alors illimitées surtout pour une population mondiale d'un tout petit milliard d'individus. Les économistes de l'époque ont délibérément choisi d'ignorer une loi pourtant élémentaire de la physique : une croissance infinie dans un monde aux ressources finies est tout simplement impossible !


La célèbre citation de l'économiste éclairé Kenneth Boulding



Cette religion de la croissance est si bien imprimée, à l'encre indélébile, dans leurs esprits qu'ils·elles en sont devenu·e·s complètement prisonniers·ères ! Plus une fiction est solidement ancrée, plus il est difficile de la remettre en question... et c'est aussi valable pour nos élites que pour nous !

Souvent, les adeptes de ce dogme sont également de fervent·e·s supporters·trices du messianisme technologique, perusadé·e·s que le progrès technologique nous sauvera.


Malheureusement, même Nicolas Hulot semble avoir du mal à envisager une décroissance assumée. Et Yannick Jadot, qui a conduit la liste EELV aux dernières élections européennes, promeut la transition énergétique et une croissance verte... Si le bon score obtenu a permis à Yannick Jadot de parader (bon, OK, c'est toujours nettement mieux que Macron et Le Pen), pour trouver un programme aussi audacieux que sérieux évoquant le Rapport Meadows, l'effondrement et la décroissance, il fallait s'intéresser à l'autre liste écolo qui n'a malheureusement recueilli que 1,8% des suffrages... "Urgence Écologie" conduite par Dominique Bourg.



  • Option 3 : nos élites sont incapables d'appréhender la dimension globale de l'effondrement, englués qu’ils sont dans une action uniquement court-termiste.

C’est l’opinion d’experts de l’effondrement comme Arthur Keller, Jean-Marc Jancovici, Yves Cochet, Alain Grandjean, Matthieu Auzanneau, Olivier de Schutter ou Dennis Meadows.


Certes, elles ont bien compris que la planète était en train de se réchauffer et que certaines espèces avaient disparu ou encore que nous finirons par manquer de pétrole un jour. Mais nos élites n’ont aucune vision systémique de l’ensemble des problèmes. Elles n’ont pas compris que tout était lié, notre dépendance au pétrole, les Krachs boursiers, la spéculation sur les matières premières, les famines, les pénuries d’eau potable, l’appauvrissement des sols, l’effet de serre, la fonte des glaces, l’effondrement de la biodiversité, l’acidification des océans…

Elles croient encore qu'elles vont pouvoir lutter efficacement contre le réchauffement climatique tout en soutenant le secteur aérien, réduire nos émissions de gaz à effet de serre tout en protégeant l'agriculture intensive, réduire l'effondrement de la biodiversité tout en autorisant le massacre de centaines de milliers d'animaux (Renard, corbeau, pie, geai, étourneau, putois ou encore belette) les 3 prochaines années en raison des dégâts qu'ils sont susceptibles de causer... Ou comment Macron a transformé son "en même temps" séduisant au début, y compris pour des personnes comme Nicolas Hulot ou Dominique Bourg (ce dernier a reconnu dans un échange avec François Ruffin y avoir cru) en "foutage de gueule" horripilant. Notre Président soigne son image de "Champion de la Terre" à l'étranger alors même que sa politique écologique est absolument dramatique (du Grand Contournement Ouest à côté de Strasbourg à la bioraffinerie Total de la Mède qui carbure à l'huile de Palme, en passant par le non respect de l'Accord de... Paris ou encore le soutien à des projets aussi criminels que la Montagne d'Or en Guyane ou Europacity à Gonesse. Sans oublier qu'il s'est porté garant de l'engagement du dernier G20 sur l'Accord de Paris et qu'au même moment les militant·e·s non violent·e·s d'Extinction Rebellion se faisaient gazé·e·s à bout portant par des CRS y prenant visiblement beaucoup de plaisir, et ce en toute impunité puisque le ministre de l'environnement les a couverts...


Je n'ai pas pu résister à la tentation de partager la toute dernière livraison de Bridget Kyoto (dont je reparlerai plus bas). C'est la meilleure illustration possible du "En même temps" macronien en matière d'écologie. Ne vous privez pas, la vidéo fait 45 secondes (de pur bonheur !).





QUELS LEVIERS ACTIONNER POUR FAIRE SAUTER LES VERROUS DE L'INERTIE ?


Notre inertie collective, tant individuelle que politique, économique et financière nous envoie à vitesse grand V dans le mur. Alors que faire ? Existe-t-il des leviers à activer pour lutter efficacement contre cette incroyable résistance au changement, incompatible avec la survie de l'espèce humaine ? Oui, il s'agit bien de cela. Au rythme actuel, nous réunissons toutes les conditions pour que notre planète soit inhabitable dans la seconde moitié du XXIème siècle. Nous avons donc aujourd'hui clairement la responsabilité d'apporter des réponses concrètes à cette question tout simplement vitale. En l'absence cruelle/criminelle d'action(s) de nos politiques, il semble évident, hors miracle de dernière minute, que c'est à nous citoyennes et citoyens de les imaginer pour assurer notre survie, celle de nos enfants et celle de toutes les autres formes de vie sur Terre.

Je vous préviens d'emblée, je n'ai pas de réponses toutes faites à ces questions. Je souhaite simplement partager ici le fruit actuel de ma réflexion et l'enrichir de vos feedbacks et points de vue. À vos commentaires, go ! ;)



1. Quel message véhiculer ?


Viser une croissance verte ?



Convient-il comme certain·e·s en sont convaincu·e·s, de maintenir l'espoir que oui il est possible de rendre le système actuel plus vertueux , notamment en misant tout sur une croissance verte et le développement durable ?

Ou comment changer le système pour le rendre éco-responsable, plus soutenable. C'est le parti pris ou le pari de l'écologie politique traditionnelle française incarnée aujourd'hui par EELV conduit par Yannick Jadot. La même philosophie est à l'origine du Pacte Finance-Climat de Pierre Larrouturou et Jean Jouzel, du Pacte écologique et social proposé par Nicolas Hulot et Laurent Berger ou encore du Traité de Paix économique sur lequel travaille Bernard Stiegler.

Malheureusement, la croissance verte est une vue de l'esprit. D'un côté, il ne nous est plus possible de croître si nous voulons réellement inverser la tendance et maintenir certaines conditions élémentaires pour garantir notre survie. De l'autre, elle ne peut en aucun cas être qualifiée de "verte" car même si les énergies renouvelables pouvaient remplacer les énergies fossiles - ce qui est impossible puisque leur "puissance" est infiniment plus faible - l'exploitation (extraction, raffinage, transport, transformation, acheminement...) des métaux rares est dépendante du pétrole, qui s'épuise trop vite, et a un impact environnemental catastrophique.


Plutôt que de créer des emplois "classiques" pour développer les énergies renouvelables - aucune énergie n'est propre - et poursuivre notre opération collective de destruction massive du vivant sur Terre, nous ferions mieux de confier un travail, une mission, au plus grand nombre, de créer de nouveaux métiers pour nettoyer, réparer et dépolluer notre maison en laissant toutes les formes d'énergies dans le sol et en engageant une décroissance choisie (sinon elle sera subie) afin de préserver notre planète.



Il est encore temps !



Là aussi, ce positionnement vise à cultiver une forme d'espoir. Mais attention, cette idée est potentiellement contre-productive pour au moins 2 raisons :


  • La signification de cette formule est de nature à laisser entendre qu'il serait encore possible de rester sous la barre +1,5° C ou +2° C, voire qu'il serait encore possible d'éviter l'effondrement.

Malheureusement, il nous faut nous résoudre à accepter que c'est déjà mort pour la première limite (+1,5° C) que nous devrions franchir avant 2050 et très compromis pour la seconde... Les dernières prévisions crédibles tablent plutôt entre minimum +3-4° et maximum +6-8° à la fin du siècle. Et comme vous le savez sans doute, il s'agit là de températures moyennes à la surface du globe (continents + mers et océans + pôles). Sur les continents, là où nous habitons réellement, vous pouvez a minima multiplier par 2 ces projections...

En ce qui concerne l'effondrement, celui-ci a déjà commencé et certaines irréversibilités sont hélas déjà déclenchées.

Adopter un tel positionnement - Il est encore temps - revient donc à pervertir, plus ou moins légèrement, la réalité pour la bonne cause : faire passer un message rassurant. C'est d'ailleurs ce qu'on fait les scientifiques pendant des années pour ne pas trop affoler la population.


  • L'espoir est passif et peu mobilisateur : pourquoi s'affoler si nous avons encore le temps ?

Et oui, ce type de message insinue dans la tête des gens que comme il est encore temps, nous allons bien finir par trouver des solutions, nos gouvernants vont bien finir par prendre les bonnes décisions...


En fait, la véritable signification, c'est Pablo Servigne qui la révèle au milieu de la vidéo ci-dessus : « il n'est pas trop tard pour éviter que ce soit encore pire. »



Il est déjà trop tard !


Bon, dis comme ça, balancé brutalement, c'est sûr que cela ne va pas mobiliser non plus...

Et pourtant, c'est la triste vérité. Comme le dit souvent Jean-Marc Jancovici, nous aurions beau stoppé immédiatement toute émission de Gaz à effet de serre, le réchauffement climatique se poursuivrait et cette action forte ne commencerait à avoir un véritable impact sur la composition de l'atmosphère qu'au bout de 30 ans. Il est déjà trop tard également pour sauver les espèces végétales et animales qui ont déjà disparu ou sont en cours d'extinction finale. Certains phénomènes écosystémiques et géologiques sont déjà irréversibles.


C'est Aurélien Barrau qui a la meilleure formule pour résumer la situation actuelle (assez proche de celle de Pablo Servigne plus haut) :


« Il est déjà trop tard pour éviter l'effondrement,

mais il n'est jamais trop tard pour éviter que cela soit encore pire. »




Et si on arrêtait de parler uniquement du climat !


J'estime que la question mérite d'être posée. Car, dans l'inconscient collectif, le seul et unique problème auquel nous sommes confronté·e·s c'est le réchauffement climatique.

Né en 1975, mon enfance et mon adolescence ont été "bercées" par le trou dans la couche d'ozone, si bien que je n'étais pas suffisamment conscient à l'époque de tous les autres catastrophes que nous étions en train de générer. J'ai le sentiment qu'aujourd'hui, il en va de même avec le climat. Si l'on entend un peu parler de l'effondrement de la biodiversité, de la déforestation et de la fonte des glaces, quasiment aucune information ne touche le grand public sur l'épuisement de nos ressources et la pénurie à venir de pétrole qui est pourtant le sang de notre société, ni sur la raréfaction de l'eau potable, et encore moins sur la dégradation des sols ou la dangerosité absolue de l'élevage intensif et de la surpêche...


Malheureusement de nombreuses associations militantes renforcent malgré leur admirable combat cette croyance. Les manifestations sont baptisées "Marches pour le climat". L'association Alternatiba, co-organisatrice, en profite pour faire défiler en tête de manif son célèbre slogan (un peu réducteur) "Changeons le système, pas le climat". Avec "L'Affaire du siècle", les quatre organisations "Notre Affaire à tous", Greenpeace, La fondation pour la nature et l'homme et Oxfam France ont assigné l’État français en justice devant le Tribunal administratif de Paris pour inaction face aux changements climatiques. Et tout dernièrement, l'opération "Sortons Macron" a été lancée par ANV-COP21 pour dénoncer là aussi l'inaction climatique de notre Président. Même Extinction Rebellion (XR) qui a pour objectif de minimiser le risque d'extinction de l'humanité met (trop ?) souvent le climat en avant.



Alors, bien entendu, il est difficile d'en vouloir à Alternatiba et ANV-COP 21 qui font partie des organisations les plus engagées, d'autant plus que la lutte contre le réchauffement climatique est justement leur principal combat. Idem pour XR.

Mais force est de constater que le réchauffement climatique ne mobilise pas suffisamment, ni la population, ni nos politiques. Au-delà de l'augmentation de la température globale, les dommages collatéraux associés sont encore trop méconnus, malgré les incidents qui se multiplient (sécheresse, canicule, feux de forêt, cours d'eau à sec, réduction de la production agricole, ouragans, tempêtes, inondations...).


Et si nous décidions toutes et tous de mettre sur le devant de la scène plutôt la vie et le vivant sous toutes ses formes ? Car, c'est bien de cela qu'il s'agit : notre propre survie sur Terre et celle de toute la biodiversité végétale et animale. J'en profite pour rappeler que le modèle de simulation informatique World 3 du Rapport Meadows de 1972, qui prédit l'effondrement inéluctable de notre civilisation thermo-industrielle, ne tient absolument pas compte du climat !


Je suis convaincu que notre survie ou le risque d'extinction de l'humanité auraient un tout autre impact. La raison principale n'a finalement que peu d'importance tant nous avons réuni de conditions diverses et variées : croissance infinie, épuisement des ressources et surtout de l'eau, extraction des énergies fossiles et des métaux rares, émission de GES, élevage intensif, agriculture chimique, destruction des écosystèmes naturels, extinction des espèces, déforestation massive, changement d'affectation des sols plus leur appauvrissement dramatique, acidification des océans, surpêche, extraordinaire créativité pour concevoir des armes de destruction massive du nucléaire au bactériologique...



2. Quelle(s) émotion(s) provoquer ?


« Les adultes continuent de dire : "C'est notre devoir de donner de l'espoir aux jeunes." Mais je ne veux pas de votre espoir. Je ne veux pas que vous soyez pleins d'espoir. Je veux que vous paniquiez. Je veux que chaque jour vous ayez peur comme moi.

Et puis je veux que vous agissiez. Je veux que vous agissiez comme si vous étiez en crise. Je veux que vous agissiez comme si notre maison était en feu. Parce qu'elle l'est. »

Greta Thunberg - "Rejoignez-nous. #grevepourleclimat" - Kero - 2019


Ce passage du livre de Greta Thunberg, repris dans l'un de ses célèbres discours, est une base intéressante pour aborder la question cruciale des émotions. Comment parler au coeur pour toucher la tête ? Comment trouver le bon équilibre entre la sollicitation du cerveau reptilien/émotionnel, et l'enregistrement effectif et efficace par le cerveau cortex/rationnel ?


Comme le souligne très justement Cyril Dion dans son livre "Petit manifeste de résistance contemporaine", l'émotion c'est justement ce qui fait toute la différence entre le succès relativement modeste des Marches pour le climat en comparaison avec la "marche républicaine" après l'attentat de Charlie Hebdo ou la victoire de l'équipe de France de football en finale de la Coupe du Monde 1998.


Je réfléchis actuellement à un concept original de conférence "augmentée" afin de proposer une véritable expérience susceptible de faire sauter les verrous de l'inertie en mixant différents formats, médias et arts : quizz, conf, écoute active des émotions ressenties et partage de témoignages, , co-construction et jeu... le tout illustré et saupoudré de vidéos, de photos, de musique, en présence des artistes. Avec pour ambition de trouver le juste équilibre entre le rationnel et l'émotionnel, entre la réalité glaçante et anxiogène, la tristesse et la joie !



Le livre "Une autre fin du monde est possible - Vivre l'effondrement (et pas seulement y survivre)" de Pablo Servigne, Raphaël Stevens et Gauthier Chapelle, m'accompagne dans cette réflexion. Je trouve leur concept de "collapsosophie" (*) - aussi inspirant que pertinent.

Les 3 co-auteurs nous proposent d'explorer une voie inhabituelle dans notre société, celle qui consiste à « trouver le courage de parler avec son coeur », à ne pas réprimer ses affects, à écouter, accepter et exprimer librement et pleinement ses émotions.



L'espoir ?


"L'espoir fait vivre !"... "Tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir !"... Tout le monde connait ces fameuses maximes, mais l'espoir est-il la bonne émotion à provoquer pour mettre en action le maximum de monde face à l'effondrement ? Comme nous l'avons vu plus haut, l'espoir est souvent passif.


« Si nous convenons que l'espoir est le fait d'attendre avec confiance la réalisation de quelque chose, il faut bien avouer que l'espoir souffre d'un sérieux défaut de passivité ("esperar" en espagnol siginifie "attendre").

Selon l'écrivain militant écologiste Derrick Jensen, connu pour ne pas mâcher ses mots, l'espoir est même néfaste. Il nous "maintient enchaînés au système, au conglomérat d'individus, d'idées et d'idéaux qui détruit la planète". »

Pablo Servigne, Raphaël Stevens, Gauthier Chapelle - "Une autre fin du monde est possible"



La peur ?


La peur d'un danger immédiatement palpable, perçu par l'un de nos 5 sens, nous met spontanément en mouvement sous l'action de notre cerveau reptilien qui va secréter une décharge d'adrénaline pour mobiliser nos muscles. La peur (de l'autre) est une arme diabolique dont usent et abusent les partis d'extrême droite avec un certain succès. Enfin la peur du terrorisme autorise le pouvoir à faire passer tranquillement des mesures autoritaires qui, présentées comme temporaires, s'inscrivent finalement dans le temps. Déclenchée dans la foulée des attentats de janvier 2015, l’opération Sentinelle a déployé 10 000 soldats sur le territoire national pour défendre et protéger les Français. 4 ans et demi après, des militaires patrouillent toujours dans nos rues, nos gares et aéroports... Or, ils n'ont jamais empêché un terroriste de passer à l'action. Bref, ils sont censés nous rassurer (personnellement, je les trouve plutôt inquiétants) malgré leur inutilité absolue.


Hélas, la peur ne semble pas vraiment mobiliser les foules dès lors que l'on parle des VRAIS périls que sont le réchauffement climatique, l'effondrement de notre société ou l'extinction de l'humanité. Elle peut même s'avérer rapidement contre-productive en déclenchant sidération et/ou déni, paralysie et anesthésie, car comme nous l'avons vu plus haut, ces dangers ne sont pas suffisamment palpables.


« Les études traitant des effets de la peur sur l'engagement contre le réchauffement climatique sont sujettes à controverses. Certaines indiquent que la peur ne favorise pas un engagement, d'autres indiquent le contraire. Il n'y a finalement pas vraiment de corrélation entre la peur et le soutien à une politique de lutte contre le réchauffement climatique. » Pablo Servigne, Raphaël Stevens, Gauthier Chapelle - "Une autre fin du monde est possible"



La tristesse ?



Elle permet assurément de générer l'empathie. Ainsi, à l'occasion du lancement du magazine Yggdrasil le 6 juillet 2019 à la Fondation Good Planet à Paris, à l'issue de la projection du formidable film "Et je choisis de vivre", réalisé par Nans Thomassey et Damien Boyer, de nombreuses personnes émues ont souhaité partager la perte d'un·e proche. Pablo Servigne en a profité pour évoquer l'importance des rituels, très présents dans le film, comme le partage de la douleur en collectif. Les anglo-saxons le cultivent via le "Greef" ("douleuil" est la proposition de Pablo pour traduire ce concept en français). La promotion de ce film par l'équipe à l'origine d'Yggdrasil, est une excellente idée. Ou comment parler d'effondrement global au travers de l'effondrement très personnel d'une mère ayant perdu son enfant la veille de son tout premier anniversaire.



La colère ?


La provoquer ne semble pas très utile, et pourtant... Elle fait partie des éotions naturelles ressenties dans le voyage du deuil d'une vision de notre monde qui s'écroule, d'un rêve d'avenir qui s'assombrit, de repères que l'on imaginait bien ancrés et qui se trouvent déracinés.


« Avec une colère à moitié réprimée, j'ai tendance à me balancer et à faire quelque chose d'impétueux et d'ignorant. Mais une colère bien sentie, ancrée et familière peut me motiver à travers un engagement à vie pour améliorer les choses. »

Donella Meadows co-auteure du Rapport "The Limits to Growth" au Club de Rome en 1972



Le dégoût ?


Pas évident à susciter, quoique... qui sait ? Une belle vidéo d'un abattoir filmé par l'association L214, encore faudrait-il pouvoir imposer le même dispositif bloquant les yeux des récalcitrant·e·s que dans Orange Mécanique.



Car s'il est simple aujourd'hui d'accéder à un reportage sur un abattoir, sur la pollution plastique des océans, sur les immenses décharges à ciel ouvert du Ghana ou la montagne de déchets qui, en Inde, dépasse la hauteur du Taj Mahal... ces vidéos ne semblent pas avoir beaucoup d'impact sur les mauvais comportements de notre espèce. Hélas !



La honte ?


Si je ne sais pas très bien non plus comment transmettre ce type de sentiment, je pense que la honte pourrait augmenter sensiblement la conscience de notre co-responsabilité partagée dans le drame que nous avons généré tou·te·s suel·e·s coemme des grand·e·s. Car, selon moi, dès lors que nous acceptons notre société telle qu'elle est en étant l'un de ses rouages, nous participons toutes et tous à cette opération collective de destruction massive du vivant sur Terre. Et si nous avions réellement honte, nous nous retrousserions sans doute les manches pour réparer, nettoyer, dépolluer, replanter... non ?



Le rire ?


Oui, l'humour est un excellent moyen, moins culpabilisateur, de faire passer différemment un message grave ou anxiogène. Cela semble donc particulièrement bien adapté dans le cas de l'effondrement. Mais est-ce réellement plus efficace pour créer le fameux déclic capable de mettre en mouvement le plus grand nombre ? Et bien, ce n'est pas si sûr... Lors de la Table ronde "Effondrement, résilience : une culture en émergence ?" organisée le 6 juillet dernier en clôture du lancement d'Yggdrasil, Laure Noualhat a reconnu que seul·e·s les personnes soucieuses de l'état de notre planète et ayant accepté la perspective de l'effondrement riaient aux blagues de son double sur YouTube, Bridget Kyoto, la "mamie des youtubers collapsos". Et encore, elle s'est empressée de préciser - et Yvan Saint-Jours, intervenant sur la même table ronde, a confirmé - qu'au bout d'un certain nombre de vidéos, le rire devenait jaune ! J'avoue avoir découvert Bridget Kyoto il n'y a pas si longtemps. Du coup, je me suis offert une petite séance de rattrapage les derniers jours et leur diagnostic est juste. Allez, je vous mets ci-dessous la toute première qui date de... 2011 et dans laquelle elle évoquait déjà la fin de notre monde...



Quant à la toute dernière, du 3 juillet 2019, aussi simple que super efficace, vous avez pu la découvrir plus haut... LOL ! :)


Et il en va de même pour une autre excellente chaîne YouTube qui aborde les sujets les plus graves sur un ton décalé : "Professeur Feuillage". Les personnes qui partagent ces vidéos acidulées sont déjà convaincues par la gravité de la situation actuelle. Notre meilleure chance de toucher un plus large public reste la chaine YouTube "Et tout le monde s'en fout" qui aborde les périls de notre époque parmi d'autres sujets divers et variés, plus "mainstream" (l'échec, le temps, les valeurs, l'homosexualité, les autres...).




La joie ?

Inhérente à la vie, la joie est inscrite dans notre ADN ! Elle est le souffle qui anime notre vie, l'énergie qui nous fait déplacer des montagnes, la force qui nous fait vibrer.

Et si plutôt que de voir l'effondrement comme la fin de notre monde actuel, nous décisions de le considérer comme la joyeuse opportunité de tout repenser, de tout ré-inventer :

  • notre rapport aux autres humains,

  • notre rapport à toutes les formes de vie sur Terre,

  • notre rapport aux ressources, à la propriété : nous appartenons à la Terre, mais elle ne nous appartient pas !

  • notre rapport à la réussite : réussissons notre vie plutôt que dans la vie -

  • notre rapport à nos constructions intellectuelles aussi imaginaires qu'artificielles : les frontières, les états, les nations, l'argent...

  • notre rapport au temps : prenons-le plutôt que de courir après,

  • notre rapport à la vie et à la mort

  • ...

La joie rend créatif·ive, cultivons-la !

À l'instar d'Antonella Verdiani, faisons de la joie un choix de vie, un choix d'insoumission, un choix spirituel, un choix d'éducation !


« Non, on ne choisit pas la joie comme on achète un nouveau gadget sur les étagères du marché spirituel. Non, elle ne peut pas devenir non plus l'objet de l'énième méthode de développement personnel ou du dernier outil de pensée positive en date, en encore moins une formule magique pour attirer le pouvoir de l'intention.

Car la joie est consubstantielle, elle est en nous à notre naissance, elle ne s'invente pas, elle nous accompagne tout au long de la vie comme une partenaires parfois silencieuse, mail elle est là. Toujours et pour toujours. »

Antonella Verdiani - Chronique "Ode à la joie" - Yggdrasil N°1 - été 2019




Quel pourrait être le cocktail émotionnel gagnant ? La recette de la potion magique (si tant est qu'elle existe) ? Au vu de la très grande diversité des profils psychologiques des humains, de leur culture, de leurs valeurs, de leurs croyances, de leur façon d'appréhender la vie (optimiste/pessimiste chacun pouvant fonctionner en mode + ou - comme l'indique Pablo Servigne), de leur ouverture d'esprit et de leur curiosité plus ou moins naturelle, de leur faculté à se remettre à en question ou pas, de leur type d'intelligence (il y en a 9 selon la théorie des intelligences multiples d'Howard Gardner, les écoles "classiques" de l'Éducation nationale n'en retiennent que 2), de leur niveau de conditionnement, de leur gestion du stress, de leur capacité individuelle de résilience et... de la principale (ou des) raison(s) à l'origine de leur inertie, il conviendrait sans doute d'adopter différentes tactiques ou d'élaborer une stratégie solide. Pour relever avec succès un tel défi, absolument vital pour la survie de notre espèce, je propose la constitution d'une équipe transdisciplinaire dédiée (neurologues, psychologues et écopsychologues, psychiatres, sociologues, anthropologues, expert·e·s des différentes formes de pédagogie, de l'intelligence émotionnelle, de l'intelligence cognitive, de la communication non violente, de la communication verbale et non verbale, de la communication, du marketing, du nudge (**)...) !

Avis aux amateurs·trices, vous pouvez m'envoyer votre candidature par mail : jeanchristophe@effondrementetrenaissance.com





3. Quelle histoire raconter ?


Toutes les histoires commencent par "il était une fois…". Comme le (ra)conte Yuval Noah Harari dans son livre "Sapiens, une brève histoire de l’humanité", C’est à la puissance du récit que l’humain doit sa conquête du monde et non à la taille de son cerveau, à la fabrication d’outils ou encore à la maîtrise du feu. La révolution cognitive intervenue il y a 70 000 ans a tout changé. Notre capacité à créer des "réalités imaginaires", à les transmettre et à les croire est singulière dans le monde animal ! Ainsi, Dieu, une nation, une société à responsabilité limitée ou la valeur attribuée à un billet de banque sont de pures constructions intellectuelles nées de notre imagination collective. Aujourd’hui, la croyance qui guide notre civilisation est celle d’une croissance infinie aux impacts délétères sur notre planète. Ce qui la rendue si séduisante aux yeux des citoyen·ne·s transformé·e·s en super consommateurs·trices, c'est le modèle de vie idéale, complètement artificiel, activement promu par notre société capitaliste à partir de la révolution industrielle avec une formidable accélération à l'issue de la 2nde Guerre mondiale : un beau diplôme + une belle carrière + une grande maison + une grosse voiture + une piscine + un chien + un méga écran plat + le dernier iPhone... Soit une "réussite" uniquement envisagée dans une acception matérialiste de propriété et d'accumulation censée nous rendre heureux·euses.


Mais, la promesse que nous fait notre société de consommation est mensongère en plus d'être hautement toxique pour la planète. Une addition, voire même une multiplication, de petits plaisirs ne nous mènera jamais au grand bonheur. Neurologiquement, c'est même tout l'inverse ! Ainsi, plus notre cerveau secrète de dopamine, l'hormone du plaisir, moins il ne produit de sérotonine, l'hormone du bonheur. Les valeurs véhiculées par notre société rendent donc vaine notre quête du bonheur, tout en nous rendant co-responsables de la situation d'urgence écologique absolue de notre époque.


Comme nous y invite Cyril Dion dans son livre "Petit manifeste de résistance contemporaine" il nous faut donc aujourd'hui changer d'histoire pour changer l'histoire !



Ayons l'humilité de reconnaitre et d'accepter notre échec collectif et de tout repenser !


Notre rapport à la Terre

À nous de penser local plutôt que mondial, de considérer la Terre comme notre seule et unique maison qu'il nous faut préserver plutôt que comme un puit de ressources à exploiter/épuiser, d'abandonner la chimie et l'intensive agriculture pour lui préférer le bio, l'agro écologie et la permaculture.


Notre rapport aux autres humains

À nous de privilégier l'altruisme et le collectif à l'égoïsme et l'individualisme, la convivialité à l'isolement, l'accueil à l'exclusion, des habitats plus modestes pour que tout humain dispose d'un toit à nos (trop) grands logements laissant tant de personnes à la rue.


Notre conception de la richesse

À nous d'inventer une nouvelle société dans laquelle la répartition équitable des richesses remplacera la concentration odieuse, le minimalisme / le matérialisme, le partage des communs / la propriété privée et les privatisations, la multiplication des liens / l'accumulation de biens, le vrai bonheur essentiel / les petits plaisirs superficiels, être et vivre / avoir et posséder !



Notre rapport à l'économie

À nous de mettre à mort le capitalisme pour inventer le "Terrisme" (la Terre - et ses habitant·e·s - supérieure à toute autre considération), d'assassiner l'ultra libéralisme pour laisser éclore "un ultra écologisme", d'abandonner la spéculation pour lui préférer la raison, de remplacer la rémunération de l'emprunt par l'économie du don, la croissance infinie par la décroissance choisie, la compétition toxique par l'entraide généreuse, l'hyper consommation destructrice par la sobriété heureuse, si chère à Pierre Rabhi, et le PIB par le "RAV" (le Respect Absolu du Vivant) !


Notre rapport aux objets

À nous d'apprendre à nous contenter de l'essentiel vital et de nous désintoxiquer du superflu inutile, de préférer le durable au jetable, la longévité maximale à l'obsolescence programmée, l'occasion au neuf, la réparation et la réutilisation au remplacement et au déchet, l'intemporel à ce qui est à la mode, le naturel à l'artificiel, le partage à la possession.


Notre rapport à la démocratie

À nous de remplacer la démocratie représentative réellement pilotée par une caste et arbitrée par les lobbies par une VRAIE démocratie partagée et co-construite par les citoyen·ne·s, le scrutin majoritaire par le jugement majoritaire, l'élection avec des candidats auto-proclamés par l'élection sans candidat, la gouvernance verticale pour une gouvernance horizontale (sociocratie et holacratie), les règles continentales et mondiales par une autonomie résiliente locale.


Philosophie, spiritualité et mythologie

À nous d'édicter les devoirs des humains vis à vis de la nature (nettoyage, réparation, dépollution, régénération), nous avons usé et abusé de nos Droits de l'Homme (c'est tellement pratique dans la langue française d'oublier la Femme !). À nous de retrouver notre jus te place, celle d'une espèce animale parmi des millions d'autres, en aucun cas supérieure. À nous de vénérer et de respecter enfin l'unique dieu qui existe vraiment, la nature qui nous entoure. Comment mieux illustrer notre folie que cette lumineuse citation anonyme (attribuée à tort à Huber Reeves) :


« L'Homme est l'espèce la plus insensée,

il vénère un Dieu invisible et massacre une Nature visible.

Sans savoir que cette nature qu'il massacre est ce Dieu invisible qu'il vénère. »



De nouveaux repères

À nous d'inventer de nouvelles règles, de cultiver la singularité audacieuse plutôt que la normalité peureuse, d'encourager l'utopie visionnaire plutôt que le conformisme aveugle, la protection légitime de notre environnement à sa destruction légale et l'anticipation sage à la réaction maladroite.


Notre relation aux enfants

En 2100, chanson et clip, écrite et réalisé

par les élèves de la classe C3B 2018-2019 de l'école Jean Monnet de Fenouillet.



À nous d'arrêter de considérer nos enfants comme la propriété de leurs parents, des humains imparfaits qu'il convient d'éduquer, de formater pour qu'ils·elles rentrent dans des cases. De futur·e·s adultes à endoctriner pour en faire de bon·ne·s petit·e·s consommateurs·trices, des petits moutons bien disciplinés qui doivent écouter en silence, sans bouger, sans bavarder, et qui doivent lever le doigt pour demander l'autorisation de faire des choses naturelles comme boire ou aller aux toilettes. Arrêtons de leur inculquer l'autorité au détriment de la bienveillance, la méfiance plutôt que la confiance, la compétition plutôt que l'entraide. Arrêtons d'exiger d'eux qu'ils apprennent par coeur les savoirs/croyances d'hier qui nous envoient dans le mur... sollicitons leur incroyable créativité afin d'imaginer les solutions pour les défis d'aujourd'hui et de demain !

Cessons de les orienter vers des métiers inutiles qui pour la plupart vont disparaitre avec l'effondrement. Co-construisons avec eux ce nouveau monde !


J'aime beaucoup l'article "L'enfance, le chaînon manquant pour une véritable transformation de la société" signé Emmanuelle Aurojo Calçada dans le premier numéro d'Yggdrasil.


« À chaque génération, l'humanité entame une nouvelle page de son histoire, de l'Histoire. Laquelle voulons-nous écrire ? Devant l'effondrement qui vient, plutôt que de nous dégoûter nous-mêmes, de nous battre entre nous ou de nous traiter de parasites de cette planète, ayons le courage de changer la vision que nous portons sur les enfants et sur l'humain en général. Oui, nous pouvons nous réconcilier avec qui nous sommes. Pour cela, connectons-nous à l'enthousiasme, la curiosité et la créativité des enfants, qui nous montrent le chemin de ces mêmes qualités à l'intérieur de nous. Choisissons de tremper nos plumes dans la confiance, la coopération, l'équité, la liberté. Et ensemble écrivons l'Histoire. »





À NOUS DE JOUER !


Je vous invite à réfléchir ensemble à ces 3 questions cruciales :

  1. Comment rendre cette nouvelle histoire aussi désirable, aussi séduisante que l'actuelle aux yeux du plus grand nombre ?

  2. Comment y parvenir dans un temps record (les années qui nous restent avant la phase terminale, directement palpable de l'effondrement) ?

  3. Comment résussir cet exploit sans disposer de la puissance de feu de la formidable alliance (publicité + Hollywood + médias de masse) à l'origine du récit actuel ?

Autant le dire tout de suite, c'est sans doute la toute première fois que nous pourrons vraiment qualifier une mission d'impossible !


Il ne nous reste plus qu'à nous approprier avec joie et conviction la belle maxime de Charlie Chaplin :


« Il faut tendre vers l'impossible : les grands exploits à travers l'histoire ont été la conquête de ce qui semblait impossible. »



Toutes vos idées et propositions sont les bienvenues en commentaires.

Merci infiniment ! :)


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(*) : ensemble des comportements et des positionnements qui découlent de cette situation inextricable (des effondrements qui ont eu lieu et d'un possible effondrement global) et qui sortent du strict domaine des sciences.


(**) : Nudge, ou « coup de coude » en français, souvent traduit « coup de pouce », est une technique pour inciter des personnes ou une population ciblée à changer leurs comportements ou à faire certains choix sans être sous contrainte ni obligations et qui n'implique aucune sanction. Cette méthode d’influence est qualifiée de « paternalisme libertarien » car elle permet de faire ses choix sans coercition. Elle a été mise en lumière, en 2008, par Richard Thaler et Cass Sunstein grâce à leur livre Nudge : Améliorer les décisions concernant la santé, la richesse et le bonheur.


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Effondrement & Renaissance a une triple ambition :


1. Mieux appréhender l'effondrement

2. Comprendre les raisons de notre inertie

3. Construire une nouvelle société préservant la vie sur Terre


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